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PAUSE : accueillir et protéger les scientifiques en exil, faire perdurer la recherche et les idées

Le 21 septembre 2022, au centre Panthéon, s’est tenue la première édition de la conférence du programme PAUSE de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Dans le cadre de ce programme, l’université accueille des chercheurs et chercheuses en situation d’exil dans leur pays, en leur donnant l’opportunité de continuer leurs recherches dans un cadre sécurisé et en les accompagnant dans leur intégration, leur offrant ainsi un avenir en France.

Dans de nombreux pays, des scientifiques et des artistes ne peuvent exercer librement leur profession et sont contraints à l’exil. Depuis 2017, le programme PAUSE en soutient certains afin qu’ils puissent poursuivre leurs travaux en favorisant leur accueil dans des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ou des institutions culturelles. Créé à l’initiative de l’État, le programme PAUSE est porté au niveau national par le Collège de France qui alloue des financements incitatifs aux établissements les accueillant. Ces subventions ont pour but de cofinancer un projet d’accueil d’un scientifique étranger en situation d’exil, de toute origine géographique et pour tout projet scientifique. Depuis 2018, l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne fait partie des 100 établissements partenaires du programme. Jusqu’à aujourd’hui, seize chercheurs et chercheuses ont été accueillis au sein de ses différentes unités de recherche. La volonté de l’université est de ne pas se contenter de recevoir des candidatures mais également de les susciter, en promouvant le programme auprès de la communauté scientifique et en étant réactif au regard de l’actualité géopolitique, afin d’intervenir au plus vite pour repérer et faire venir des chercheurs en danger.

À Paris 1 Panthéon-Sorbonne, le programme est piloté par Thomas Clay, professeur en droit privé et sciences criminelles, ancien administrateur provisoire de l’université́. La coordination administrative est assurée par Marie-Cécile Leconte, responsable du pôle partenariat et valorisation de la direction de la Recherche et de la Valorisation (Direval) et Nadi Talbi, chargé du soutien administratif des chercheurs accueillis. Le programme s’articule autour d’un comité – le comité PAUSE  – composé d'enseignants-chercheurs issus des grands champs disciplinaires de l'université et de membres de l'administration. Il est notamment chargé de sélectionner les candidats, de manière collégiale, en fonction de critères spécifiques et connus à l’avance : l’excellence scientifique du candidat ; la prégnance du danger ; l’origine géographique variée des chercheurs accueillis (sauf crise majeure) ; une répartition homogène des chercheurs accueillis selon les différentes disciplines de l'université. Le comité PAUSE travaille donc de manière collégiale et transparente. Les candidatures présélectionnées sont ensuite soumises au Collège de France, pour avis final. Une fois sélectionnés, les chercheurs et leur famille sont pris en main par la Direval, qui par le bais d’un guichet désormais unique, centralise l’application de toutes les démarches administratives internes et les accompagne dans leur parcours d’intégration et d’insertion.

En 2022, sept chercheurs et chercheuses de Birmanie, du Mali, d’Éthiopie, de Libye, de Turquie, d’Afghanistan et d’Ukraine, bénéficient du programme à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Relevant des disciplines variées (science politique, géographie, archéométrie, droit, etc.), les chercheurs en danger sont accueillis au sein des unités de recherche correspondant à leur discipline : l’Institut des mondes africains (IMAF / UMR 8171) ; Géographie-cités (UMR 8504) ; Arts, créations, théories, esthétique (ACTE / UR 7539) ; l’École de droit de la Sorbonne (EDS) ; l’Institut de recherche juridique de la Sorbonne (IRJS / UR 4150). Chaque chercheur et chercheuse est accompagné par un référent scientifique : Philippe Dupichot (EDS / IRJS) ; Yann Toma (EAS / ACTE) ; David Chilstein (EDS / IRJS) ; Florence Brisset-Foucault (UFR 11 / IMAF) ; Natacha Aveline (Géographie-cités) ; Pierre Boilley (EHS / IMAF).

Une conférence pour créer du lien au sein de la communauté universitaire

Le 21 septembre 2022, au centre Panthéon, s’est tenue la première édition de la conférence PAUSE. Cet événement fut l’occasion pour les bénéficiaires du programme de témoigner de leur expérience, de présenter leurs travaux de recherche et d’échanger avec les chercheurs et chercheuses de l’université, en présence de Christine Neau-Leduc, présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Thomas Clay, Marie-Cécile Leconte, Nadi Talbi, Laura Lohéac, directrice exécutive du programme PAUSE au Collège de France et Axelle de Poix, responsable administrative du programme au Collège de France.

Cinq chercheurs et chercheuses ont pris successivement place à la chaire de la salle 1 du centre Panthéon pour se présenter, de même que leurs travaux et évoquer leur situation passée, dans leur pays et actuelle aujourd’hui en France. Disposant d’un fort niveau d’expertise dans leurs domaines respectifs, ils développent aujourd’hui leurs recherches, pour certains dans une nouvelle langue, en lien avec leur référent et le réseau qu’ils ont pu constituer en France et à l’étranger. Chacun a profité de cette occasion pour exprimer sa reconnaissance envers l’université, le Collège de France, et les personnes impliquées dans le programme, notamment leurs référents et les responsables du comité PAUSE dans l’université. Certains propos étaient très émouvants, notamment de ceux qui ont frôlé la mort et que l’université a sauvés, ce qui est à l’honneur de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Un engagement institutionnel et un engagement personnel

Dans son discours, en ouverture de séance, Christine Neau-Leduc a d’ailleurs insisté sur les valeurs de solidarité et d’entraide portées par le programme PAUSE et par l’université : « C’est un programme auquel l’ensemble de la communauté universitaire est très attachée, c’est un honneur et c’est notre rôle d’accueillir des collègues en situation de danger et de leur permettre de maintenir leurs activités scientifiques dans les conditions les plus favorables possible et avec leur famille ». Des propos prolongés par Thomas Clay, qui a contribué à la création du programme PAUSE en 2016 lorsqu’il était au cabinet du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : « À la genèse du programme PAUSE, il y a avant tout une idée généreuse, une idée d’universalisme et l’ambition noble de partager la chance que nous avons d’être enseignant-chercheur dans un pays démocratique, dans lequel nous bénéficions d’une liberté d’expression et d’une liberté de pensée ».

Laura Lohéac a souligné les excellentes relations entretenues entre le Collège de France et l’université : « Paris 1 Panthéon-Sorbonne est un établissement particulièrement investi, puisqu’il fait partie des cinq établissements qui accueillent le plus de chercheurs et de chercheuses ». Elle a également salué la qualité de l’accueil et l’engagement des personnels et la procédure transparente et collégiale mise en place à Paris 1 Panthéon-Sorbonne qui peut servir de modèle aux autres établissements. Enfin, elle a ajouté que « PAUSE est une chaîne de solidarité au cœur de laquelle sont évidemment les établissements, qui jouent un rôle central dans la réussite du programme et la poursuite de ses ambitions ».

Pour les personnels administratifs et enseignants impliqués dans le programme PAUSE, il s’agit d’un engagement personnel qui va bien au-delà d’une charge de travail « classique », en termes de disponibilité et en termes affectif également. En effet, accueillir des chercheurs PAUSE, c’est accompagner des personnes, des familles, qui ont vécu des parcours d’exil et parfois des parcours traumatiques. Cet engagement, les agents de la Direval le vivent au quotidien, car l’accueil en urgence des chercheurs en danger ne se fait pas uniquement pendant les heures de bureau : « Au-delà de la dimension administrative et logistique de notre mission (logement, titres de séjours, sécurité sociale, finance…), il y a un accompagnement humain et c’est sur ce point que ce programme est intéressant pour nous. L’urgence de certaines situations nous impose de réagir vite, quel que soit le jour, l’heure, cela implique une mobilisation portée également par la direction de la Direval et par d’autres collègues qui viennent en renfort », a expliqué Marie-Cécile Leconte.

Les enseignants-chercheurs référents ont eux aussi un rôle primordial dans le processus d’accueil et d’accompagnement de leur collègue. Philippe Dupichot, référent d’un chercheur ukrainien récemment arrivé à l’université, décrit son rôle de référent : « C’est à la fois un rôle d’écoute, d’orientation et d’accompagnement intellectuel en lui proposant des cours, des conférences, en l’aidant à se constituer un réseau universitaire et académique en France. Nous ne sommes pas leurs supérieurs, mais simplement leurs pairs et nous sommes là pour les aider à continuer de travailler et même de vivre. […] Quand on peut permettre des échanges intellectuels entre les hommes par-delà les guerres, nous accomplissons notre métier de scientifique. Cette rencontre a été pour moi émouvante et enrichissante, on est là dans l’ADN de ce que doit être une université : lorsque les armes parlent, essayer de faire encore parler les plumes et les cerveaux ».

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Pour des raisons de confidentialité et pour garantir leur sécurité, l’identité des membres – anciens ou actuels – du programme PAUSE, ne peuvent être divulgués.

Le programme PAUSE fonctionne grâce à des fonds publics mais aussi grâce à des partenariats publics et privés. Un fonds de souscription a été ouvert à la Fondation de France pour soutenir financièrement les actions du programme PAUSE. Il est possible de faire un don directement en ligne 

► En savoir plus sur le programme PAUSE à Paris 1 Panthéon-Sorbonne
► Site internet du programme PAUSE (Collège de France)