
Nils Renard, lauréat du prix Henri Hertz 2024
Nils Renard est docteur en histoire moderne et membre associé de l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC). Après avoir réalisé des études à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ainsi qu’à l’École Normale Supérieure de Paris – Université PSL, il soutient sa thèse en 2023 pour laquelle il obtient le prix Henri Hertz de la chancellerie des universités de Paris.
Pouvez-vous nous présenter votre parcours universitaire ?
Diplômé en licence d’histoire, de droit et en master d’histoire à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et ancien élève de l’École Normale Supérieure de Paris – Université PSL (AL/2013), j’ai été reçu lauréat de l’agrégation d’Histoire en 2018. J’ai mené, à l’issue de mes recherches de master en histoire du judaïsme, sous la direction de Mme Patricia Hidiroglou, une thèse de doctorat intitulée « ‘La terre est affranchie’ : Henri Grégoire et les paysages catholiques de la Révolution française », sous la direction de M. Jean-Luc Chappey. J’ai par ailleurs enseigné comme lecteur de français à l’Université d’Oxford et au ELTE Eötvös Collegium de Budapest. Membre de l’Europaeum Scholars Programme (2020-2022), j’ai participé également à l’animation de l’université européenne Una Europa dont Paris 1 Panthéon-Sorbonne est membre. Ces travaux m’ont valu diverses récompenses : le prix « Jeune chercheur » de la Fondation des Treilles (2023) et le prix Henri Hertz de la Chancellerie des Universités de Paris (2024).
Sur quoi portent vos travaux de recherche ?
À partir de l’étude de la figure d’Henri Grégoire (1750-1831), figure clef de l’émancipation et de l’abolition, mes travaux questionnent la compréhension catholique de l’émancipation à partir d’une approche en histoire environnementale. Ma thèse se concentre sur l’enjeu environnemental en posant la question des rapports entre nature et culture dans l’émancipation pensée par Henri Grégoire et le clergé républicain auquel il appartient. En effet, l’agriculture est centrale dans le processus d’émancipation, agriculture qui doit ordonner et diriger l’émancipation humaine et le gouvernement des sociétés. En repartant de la compréhension catholique du travail de la terre comme créateur d’un ordre naturel chrétien, cette thèse éclaire le raisonnement à l’œuvre dans ces paysages catholiques de la Révolution française et qui forment la toile de fond de l’action politique, sociale et intellectuelle de Grégoire et de l’Église de France en Révolution.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé particulièrement à la figure d’Henri Grégoire ?
Ma thèse porte sur une figure particulièrement significative dans l’histoire du judaïsme en France et de l’abolition de l’esclavage. L’abbé Grégoire, député du clergé aux États généraux de 1789, conventionnel puis membre du Conseil des Cinq-Cents sous le Directoire avant d’être sénateur sous l’Empire, est un personnage fondamental de la Révolution française. Il est connu en particulier pour certains de ses textes en faveur de l’émancipation des juifs de France et c’est dans ce cadre que je l’avais découvert en master d’histoire. Objet de nombreuses études, le personnage a parfois été questionné, ses combats remis en cause car perçus dans toutes les limitations liées à son statut d’ecclésiastique, posant l’enjeu de la conversion au cœur de son raisonnement. C’est donc une figure éminemment complexe et irréductible à une lecture univoque, ce qui en rend l’étude des plus enrichissantes.
Vous avez été lauréat du prix Henri Hertz de la chancellerie des universités de Paris en décembre dernier. En quoi ce prix est important pour vous et pour votre projet de recherche ?
Ce prix est une aide inestimable pour mes recherches en assurant la reconnaissance des pairs pour mon travail, dans le cadre académique, au-delà même du cercle d’élaboration de ma thèse. Il permet une vraie visibilité des travaux de recherche en assurant son inscription dans une continuité de travaux marqués par un héritage intellectuel commun. Le prix reflète en effet les combats de Henri Hertz et récompense un travail qui aide à connaître les « préoccupations éthiques et civiques » de ce personnage et de son courant de pensée. En l’occurrence, Henri Hertz entretient une connexion nette avec mon sujet et mon parcours de recherche en histoire du judaïsme : issu d’une famille juive de Lorraine, Henri Hertz est marqué par l’affaire Dreyfus, épisode qui paraissait remettre en cause le modèle d’émancipation des juifs en France. Ma thèse questionne justement une figure essentielle de l’émergence de ce modèle pendant la Révolution française.
Vous avez été ambassadeur étudiant Una Europa et vous avez également participé au programme européen « Europaeum : a network of leading european universities » lors de vos années de doctorat à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Comment avez-vous pu utiliser cette expérience européenne dans votre parcours doctoral ?
Mes engagements dans ces deux programmes européens et universitaires m’ont beaucoup apporté. Ils m’ont permis, dans une période marquée par la crise du covid et où les déplacements et les échanges universitaires étaient mis en suspens, de conserver un dialogue au plan européen et de manière interdisciplinaire. L’Europaeum Scholars Programme m’a permis d’échanger avec des doctorants de nombreuses universités européennes, dans d’autres disciplines que les miennes, autour d’un projet commun de réflexion sur les politiques publiques. Cette expérience enrichissante m’a permis de conserver un espace d’ouverture intellectuelle et d’éviter l’isolement qui pouvait peser sur les chercheurs durant ces années. J’exprime toute ma gratitude envers ce programme unique en son genre. Je suis très reconnaissant également envers le programme d’étudiant ambassadeur Una Europa qui m’a familiarisé avec les enjeux institutionnels du dialogue universitaire européen.
Qu’envisagez-vous pour la suite, quels sont vos projets ?
Mes projets de recherche s’effectuent dans la continuité de ma thèse. Je poursuis un projet d’édition de cette dernière, tout en menant divers travaux de communication et la rédaction d’articles scientifiques. L’enjeu est aussi de chercher à diffuser ce travail à l’international. Je continue également mes recherches dans diverses voies, en histoire environnementale et en histoire des religions. Grâce à l’expérience des projets européens, je souhaiterais mener un projet postdoctoral dans un programme de recherche européen.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un étudiant ou une étudiante qui souhaite s’engager dans un parcours doctoral à Paris 1 Panthéon-Sorbonne ?
Il me semble important de prendre le temps du choix et de la définition du sujet, en premier lieu, sans chercher à cristalliser trop rapidement la perspective de travail retenue, afin de bien profiter du temps de réflexion libre et personnelle à la base de tout doctorat. Nous sommes souvent incités à publier beaucoup et vite, mais, à rebours, il faut au contraire laisser le temps de la thèse se déployer, laisser des pistes ouvertes qu’on pourra reprendre, et ne jamais baisser les bras face aux difficultés que peut représenter tout projet intellectuel individuel. C’est une expérience de dépassement de soi unique en son genre et dont il faut prendre toute la mesure.
À propos de la thèse de Nils Renard : Intitulé de la thèse : « 'La terre est affranchie' : Henri Grégoire et les paysages catholiques de la Révolution française (1789-1815) ». Laboratoire de rattachement : Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC). École doctorale de rattachement : École doctorale d’Histoire. Directeur de thèse : Jean-Luc Chappey professeur des universités en histoire à l’IHMC.