Pascal Levy - Panthéon Sorbonne
Entretien

Dix étudiantes et étudiants membres du jury du prix de la BD d’histoire contemporaine, présidé par Jul

Retours d’expérience des dix étudiantes et étudiants de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et du président du jury, le dessinateur et auteur Jul. 

Dans le cadre du Festival Quartier du Livre, le Prix du Livre d’histoire contemporaine est coordonné par l’association Lire La Société. Il récompense annuellement une bande dessinée et un essai consacrés à la période allant de la IIIe République française à nos jours. Les étudiantes et étudiants qui effectuent un cursus de la licence jusqu’au doctorat en histoire ou en arts à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ont la possibilité de postuler pour participer au jury du Prix de la bande dessinée d’histoire contemporaine.  

Cette année les étudiantes et étudiants étaient issus de différents cursus en histoire, histoire de l’art, arts plastiques et également sciences politiques. Elles et ils ont eu la responsabilité de choisir la BD lauréate parmi treize ouvrages. Le jury, présidé par l’auteur et dessinateur Jul, était également composé de François de Coustin vice-président, François Chausson professeur à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et coordinateur en chef du prix ainsi que Laetitia Chantrait chargée du lien avec les étudiants. 

Au cours des trois réunions organisées, les membres du jury ont échangé, argumenté et débattu sur les ouvrages pour finalement retenir trois bandes dessinées finalistes : L’intranquille Monsieur Pessoa de Nicolas Barral aux éditions Dargaud, Randy Shilts et la fake news du patient zéro, de Héloïse Chochois et Clément Xavier aux éditions Glénat et Et que se taisent les vagues de Désirée Frappier et Alain Frappier aux éditions Steinkis. L’objectif était d’élire à l’unanimité un ouvrage mêlant rigueur scientifique, talent d’écriture et bien sûr esthétique graphique.  

Lors de la remise de prix au Panthéon le 5 juin dernier, Jul a pris la parole pour introduire la BD lauréate et les étudiantes et étudiants ont annoncé à Héloïse Chochois et Clément Xavier leur victoire avec la BD Randy Shilts et la fake news du patient zéro.  

Pascal Levy - Panthéon Sorbonne
Pascal Levy - Panthéon Sorbonne

Entretien avec Jul, auteur, dessinateur et président du jury.

Crédits : Pascal Levy - Panthéon Sorbonne

Que retenez-vous de cette expérience de collaboration avec les étudiants et étudiantes de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au sein de ce jury ?  

Jul : Je suis très souvent membre de jury, je l’étais à Angoulême cette année, je suis jury du prix Wolinksi, j’ai été déjà jury d’un autre prix d’histoire Pierre-Lafue. Là il y avait une grande différence, justement parce le jury était composé d’étudiants qui avaient un œil à la fois enthousiaste et relativement neuf, ce qui est précieux. Sinon, on a tendance parfois à répéter des réflexes que l’on a de lecteurs et de critiques ; et là il y avait, je dirais, des voix très singulières qui n’étaient pas encore trop formatées.  

Comment le jury a-t-il mené sa réflexion de la pré-sélection des œuvres jusqu’au choix du lauréat ? Quels étaient les critères sur lesquels vous avez été les plus attentifs ?  

Jul : Une trentaine d’ouvrages avait été sélectionnée par un jury d’historiens qui ont l’habitude de travailler pour ce prix. Nous avons commencé à travailler à partir de ce matériau. Nous pouvions également proposer des titres si nous avions eu des coups de cœur. À chaque bande dessinée, nous faisions un tour de parole. Je demandais si quelqu’un voulait défendre cette BD ou en parler particulièrement ; comme il y avait des points de vue assez différents cela permettait qu’il y ait des prises de parole sur chaque BD. Une fois que tout le monde avait commenté chaque BD nous avons fait des tours d’éliminatoires avec la possibilité de repêcher un ouvrage, c’est à dire que finalement, si quelqu’un adorait une BD en particulier, il pouvait y avoir une sorte de plaidoyer. Nous étions comme dans une cour de justice à plusieurs niveaux et c’était assez chouette de ce point de vue, il y avait des recours, des appels… 

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la BD lauréate ?

Jul : En fait, les trois bandes dessinées sélectionnées étaient très différentes. Si par exemple je devais dans cette liste offrir une BD comme cadeau à quelqu’un de ma famille, laquelle j’offrirais ? Ce n’est pas forcément celle qui sera récompensée. Il y avait ensuite la pertinence par rapport à l’intitulé du prix de la BD d’histoire contemporaine. Est-ce que c’est réellement de l’histoire, ou est-ce que l’histoire rentre par la petite porte ? Quelles sont les vertus historiques du livre ? Et puis, il y avait évidemment la dimension graphique puisqu’on parle de bande dessinée et pas de livre. Laquelle est la plus aboutie graphiquement ? Qu’est ce qui est le plus nouveau ? Ces différents paramètres rendaient le choix difficile. Privilégier l’une voulait dire que c’était au détriment de l’autre. Donc finalement la BD qui a été choisie avait à la fois une vertu historique suffisante, qui n’était pas seulement anecdotique, mais elle racontait quelque chose au-delà des personnages ; et graphiquement il y avait quelque chose d’entraînant, jeune, dynamique, et d’assez abouti en fait. C’est donc ce cocktail-là qui a été primé.  

Vous êtes agrégé, vous avez enseigné l’histoire et c’est une thématique récurrente dans vos bandes dessinées. Selon vous qu’est ce qui rend la bande dessinée particulièrement pertinente pour raconter l’histoire contemporaine ?

Jul : Elle n’est pas plus pertinente qu’un autre moyen en fait, il y a plein de moyens. Un des secrets de ma bonne note à l’Agreg d’histoire antique était que je m’étais largement servi dans Astérix pour donner des exemples que les autres n’avaient pas forcément dans leurs copies. Et de fait, il y a une accessibilité, une simplicité du savoir et une vertu de synthèse qui passent par la bande dessinée. En histoire, on aime bien visualiser les choses avec un œil artistique, il y a un parti pris forcément qui ne se cache pas, ce n’est pas une source mais c’est une représentation qui est assez chouette parce qu’elle incarne l’histoire. 

Pascal Levy - Panthéon Sorbonne
Pascal Levy - Panthéon Sorbonne

Témoignage des étudiantes et étudiants

Des bulles qui engagent  

Cette année, nous avons eu le privilège d’être choisis pour être jurés de la 9e édition du Prix de la BD d’Histoire contemporaine. Ce Prix vise à récompenser une bande dessinée traitant d’un sujet historique du XXe ou XXIe siècle, avec à la fois une exigence de rigueur documentaire et une force narrative et graphique. Nous étions pour cela accompagnés d’un président du Jury passionné et inspirant, Jul, dessinateur et scénariste connu pour son humour et son talent à mêler satire politique, culture et Histoire bien sûr ! Nous avons ainsi lu une sélection de treize ouvrages très divers, abordant des événements majeurs comme la Seconde Guerre mondiale, les régimes autoritaires du XXe siècle ou encore des faits de société comme la lutte contre le racisme, le statut des femmes ou les débuts du Sida. Ces ouvrages étaient surtout différents dans leur manière de raconter l’histoire : certains se basent sur des témoignages directs, d’autres ajoutent une part de fiction pour mieux faire ressentir les tensions d’une époque. Cependant, notre rôle ne s’est pas limité à la lecture : nous avons aussi débattu, comparé et argumenté au cours de trois réunions. Chaque bande dessinée a suscité des réactions différentes. Nous avons eu l’occasion de justifier nos préférences, d’écouter les avis des autres et de confronter nos points de vue. Cela nous a aussi amenés à réfléchir sur ce qu’est vraiment l’Histoire : doit-elle se résumer aux grands événements qui ont façonné nos sociétés, ou peut-elle aussi se révéler dans les récits oubliés, les fragments de vie quotidienne, et les témoignages silencieux des spectateurs d’une époque ? Notre évaluation s’est donc en partie basée sur ces critères historiques mais également sur la manière dont ont été mêlés texte et image, la BD étant un des rares médiums qui allie équitablement univers scénaristique et esthétique graphique. L’ensemble de ces critères devaient selon nous être rassemblés pour rendre compte d’émotions, de justesse mais surtout de la capacité à rendre l’histoire vivante. Participer à ce Jury a été une expérience très enrichissante qui nous a permis de nous interroger sur la manière dont se transmet la mémoire d’événements et de figures, majeurs comme oubliés. Notre intérêt pour la BD s’est confirmé dans le fait qu’elle peut être un outil puissant pour comprendre le passé, tout en développant notre esprit critique au sein d’une discipline qui nous tient tous à cœur, l’Histoire.  

Jury étudiant du Prix de la BD d'histoire contemporaine

  • Martin Azoulay, M1 Histoire et anthropologie des sociétés médiévales  
  • Héloise Duboquet, L3 Double Licence Histoire et Histoire de l’art
  • Sana Hosseinpour, M2 Arts Plastiques  
  • Gaspard Lemarignier, Doctorat Histoire contemporaine  
  • Nicolas Locoge, M1 Histoire de l’art contemporain
  • Enzo Le Roy Le Marrec, M1 Patrimoine et Musées  
  • Pauline Lussigny, M1 Histoire des relations internationales  
  • Malo Sarazin, M2 Histoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient
  • Lison Seifert, M1 Histoire des sociétés contemporaines  
  • Clara Vennat, L3 Double Licence Science Politique et Histoire