
Des collaborations entre Singapour et la France en sciences humaines et sociales, autour des maladies infectieuses
Le premier workshop international du projet franco-singapourien SPACE sur la prévention et le contrôle des maladies infectieuses dans les grandes métropoles s’est tenu à Paris 1 Panthéon-Sorbonne les 7 et 8 décembre 2023. L’atelier avait pour objectif de présenter les résultats préléminaires des travaux menés à Singapour et d’établir un dialogue avec les chercheurs en sciences humaines et sociales travaillant sur les facteurs de risque des maladies infectieuses en France.
Dans un monde de plus en plus interconnecté et mobile, les maladies infectieuses sont devenues mondialisées, compromettant les efforts de l’OMS à lutter efficacement contre les agents pathogènes. Si l'urbanisation planétaire a rendu toutes les régions vulnérables, les grandes agglomérations urbaines restent les épicentres des épidémies et de leur transmission.
De nombreux travaux de recherches ont porté sur les facteurs de risque des maladies infectieuses spécifiquement en milieu urbain, mais les connaissances demeurent limitées quant aux interactions entre différentes maladies présentant des modes de transmission variables. En outre, ces travaux n’ont que très peu exploré la manière dont les citadins perçoivent les épidémies, se préparent à y répondre, négocient avec les politiques publiques, et contribuent ainsi à l'atténuation ou à la propagation des maladies. Le projet SPACE (Shaping Public Adaptive Capacity For Environmental Infectious Diseases) entend combler ces lacunes. Ce projet, qui se focalise sur Singapour, vise à développer un protocole innovant pour la prédiction et la prévention des maladies en mettant l'accent sur la dengue, considérant sa co-occurrence avec le COVID-19.
Des collaborations en SHS
Organisé par le consortium SPACE en partenariat avec Paris 1 Panthéon-Sorbonne et le LabEx DynamiTe, le workshop Preventing and controlling infectious diseases in the built environment of city regions: France-Singapore cross-views avait comme objectif de conjuguer les connaissances et expériences des chercheurs en sciences humaines et sociales travaillant sur les facteurs de risque des maladies en France et à Singapour. Les deux pays ayant plusieurs raisons de collaborer dans ce domaine.
Tout d’abord, l’incidence de la dengue a augmenté de façon spectaculaire dans le monde au cours des dernières décennies, avec des cas signalés dépassant aujourd'hui les 5 millions, et touchant plus de 100 pays. Singapour en fait partie, car la dengue y est endémique. Déjà présente dans plusieurs territoires français d'outre-mer, notamment dans les Caraïbes et le Pacifique Sud, on assiste actuellement à l'émergence d'une dengue autochtone dans le sud de la France métropolitaine. Cette situation est unique parmi les pays européens et les déterminants restent à identifier. En tout état de cause, l'incidence de la dengue risque fort d'augmenter dans les années à venir sous l'influence du changement climatique.
Deuxièmement, Singapour et la France ont développé des modèles sophistiqués de facteurs de transmission de la dengue basés sur des déterminants biophysiques, démographiques et d'utilisation des sols. Certains des chercheurs les plus compétents de Singapour dans ce domaine participent au projet SPACE. En France, à Montpellier, un cluster de chercheurs de diverses disciplines est impliqué dans la recherche sur la dengue. L'Institut de recherche et de développement (IRD) est également très actif dans l'étude de la dynamique de la transmission de la dengue dans les territoires français d'outre-mer et dans d'autres pays.
Enfin, les deux pays expérimentent des approches innovantes pour réduire les populations de moustiques. Singapour utilise la technologie Wolbachia, qui consiste à infecter les moustiques mâles avec une bactérie pour empêcher l'éclosion des œufs. En Polynésie française, les moustiques mâles sont stérilisés aux rayons X avant d'être relâchés pour s'accoupler avec les femelles. Le succès de ces expériences dans les deux pays dépend en grande partie de l'acceptation de la communauté, ce qui confère une grande importance aux approches des sciences humaines et sociales.
Parallèlement aux nombreux travaux de modélisation des facteurs de risque et ceux analysant l'impact des biotechnologies pour réduire la population de moustiques, les chercheurs et chercheuses du projet SPACE ont constaté d’importantes lacunes sur les aspects politiques, socio-économiques et culturels de la transmission de la dengue. Les communications et discussions durant le workshop se sont concentrées sur ces dimensions, en traitant également les aspects de mobilité liés à la pandémie de Covid-19. Les échanges et partages d’idées entre les chercheurs français et singapouriens issus de différentes disciplines des SHS ont permis d'enrichir la compréhension collective de ce sujet et de favoriser des liens significatifs et des collaborations futures entre les deux pays.
Le projet SPACE
Le projet SPACE est financé par la National Research Foundation, équivalent singapourien de l'ANR, au moyen d’un contrat obtenu dans le cadre du consortium CREATE (Campus for Research Excellence and Technological Enterprise) qui abrite des institutions de recherche considérées de premier plan par le gouvernement singapourien (MIT, University of California Berkeley, ETH Zurich...). Parmi ces partenaires, le CNRS figure comme unique centre de recherche. Son intégration dans le consortium permet à tous les chercheurs affiliés aux unités de recherche du CNRS de répondre aux appels à projets labellisés CREATE et de développer des partenariats avec les prestigieux membres du consortium. SPACE associe les cinq universités publiques de Singapour à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne qui exerce la cotutelle des deux principales unités de recherche sur lesquelles s’appuient le projet : Géographie-Cités (UMR 8504) qui l’unité porteuse et PRODIG (UMR 8586).
https://space.cnrsatcreate.cnrs.fr
Contact : Natacha AVELINE-DUBACH (Geographie-Cités), Lead-PI FR, Project Lead SPACE