Amandine Couraud, une étude sur les violences de genre subies par les femmes en situations de handicap
Lauréate du Prix de master de l’Institut du Genre 2023, Amandine Couraud s’intéresse aux rapports de genre et à la question des inégalités. Après un master en démographie et une année de programme à l’École des Hautes Études en Démographie (École HED), elle poursuit désormais son parcours à Paris 1 Panthéon-Sorbonne en doctorat, au sein du Centre de recherche de l'Institut de démographie de Paris 1 Panthéon-Sorbonne CRIDUP (UR 134).
Pouvez-vous nous présenter votre parcours universitaire ?
Amandine Couraud : J’ai d’abord obtenu une licence d’économie et de sociologie à l’Université Jean Jaurès à Toulouse puis j’ai fait un premier master en sociologie à l’Université de Paris Nanterre. Ensuite, j’ai fait un second master en démographie à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Durant cette période, j’ai également suivi le programme de l’École HED. Enfin, j’ai commencé mon doctorat en septembre 2023 à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne dans le laboratoire du CRIDUP sous la direction de Claire Scodellaro et Marianne Blidon.
En quoi votre passage à l’École HED a été déterminant dans votre parcours ?
Amandine Couraud : Intégrer l’École HED a été grandement bénéfique à plusieurs niveaux. Cela m’a permis de renforcer mes connaissances générales dans cette discipline. J’ai pu également bénéficier du réseau de partenariats offert par l’école et réaliser un stage à l’INED pour effectuer mon mémoire. Enfin, et surtout, en finançant mon stage, cela m’a permis d’avoir les conditions matérielles et financières nécessaires pour réaliser mon mémoire sereinement et préparer mon projet de thèse.
Vous êtes lauréate du Prix de master 2024 de l’Institut du genre, sur quoi portait votre mémoire ?
Amandine Couraud : Le mémoire que j’ai soutenu en 2023 s’intitulait « Violences dans les espaces publics. Une approche croisée par le genre et le handicap. ». Il portait sur les violences de genre subies dans les espaces publics par les femmes handicapées. Au travers cette étude, j’ai montré que les femmes handicapées sont surexposées à toutes les formes de violences (psychologiques, physiques, sexuelles) dans les espaces publics, par rapport aux femmes valides et aux hommes handicapés et valides. Par ailleurs, elles ne subissent pas les mêmes violences que les femmes valides puisqu’elles sont les principales victimes des violences les plus rares dans les espaces publics, les violences sexuelles. Enfin, le mémoire m’a permis de saisir la bi-directionalité des violences puisque le handicap est perçu comme un des motifs des violences subies par les victimes mais les violences participent aussi à dégrader la santé des victimes et créer ou renforcer leurs handicaps durablement.
Pourquoi vous êtes-vous intéressée à ce sujet ?
Amandine Couraud : Depuis mon premier master de sociologie, je m’intéresse aux rapports de genre et à la question des inégalités dans l’appropriation, la circulation dans différents espaces (espaces publics, de loisirs, espace sonore, etc.). Puis, c’est en évoluant au sein de l’IDUP et en lien avec ma directrice de thèse, que j’ai choisi de travailler plus particulièrement sur les violences de genre en articulant ces dernières avec le handicap. Enfin, j’ai choisi de travailler uniquement sur les espaces publics pour des raisons de faisabilité d’une part, et d’autre part car les questions que soulevaient ces violences m’intéressent tout particulièrement : le droit à la ville, l’exercice de la citoyenneté, etc. En effet, ces premiers résultats permettent de repenser la question de l’accessibilité des espaces publics aux femmes handicapées en dépassant les questions strictement matérielles pour y intégrer les violences et les peurs associées.
Quel est l’objectif de votre thèse et quelle méthodologie allez-vous mettre en œuvre ?
Amandine Couraud : Ma thèse fait suite à ces premiers travaux de master dans lequel je continue d’exploiter la base de données « Violences et rapport de genre » (Ined, 2015). Mon premier objectif est de pouvoir quantifier les violences subies par les femmes handicapées dans toutes les sphères de leurs vies (famille, couple, travail, etc.), mais également d’analyser comment ces violences se singularisent de celles vécues par les femmes valides (gravité, récurrence, liens avec les auteurs, etc). Le deuxième axe de ma recherche est de comprendre la bi-directionalité des violences dans leurs trajectoires de vie. L’objectif est ainsi de démêler les violences subies du fait de leurs handicaps et des rapports de domination qui y sont liés mais aussi comment le handicap, pensé comme une santé dégradée, peut découler de violences vécues. Enfin, grâce à des entretiens que je souhaite mener avec des femmes handicapées, je souhaite déceler les barrières qu’elles rencontrent pour énoncer et dénoncer ces faits.
Vos travaux mettent en lumière les multiples violences vécues par les femmes en situations de handicap, quels sont vos constats ?
Amandine Couraud : Les résultats de mon travail de mémoire mettent en évidence la nette surexposition des femmes handicapées aux violences dans les espaces publics. À titre d’exemple, elles sont 36 % à avoir déclaré subir des violences dans les 12 derniers mois dans les espaces publics pour 25 % des femmes valides, 20 % des hommes handicapés et 14 % des hommes valides. Par ailleurs, ce sont surtout les plus jeunes qui sont le plus exposées aux violences puisque chez les 20-29 ans, 7 femmes handicapées sur 10 ont vécu des violences dans les espaces publics au cours des 12 derniers mois, pour 5 femmes valides sur 10 du même âge. Les femmes handicapées, surtout quand elles sont jeunes, sont également les plus exposées aux violences sexuelles dans les espaces publics. Si ces premiers résultats montrent l’envergure des violences subies par ces femmes, peu d’étude portent pourtant sur l’analyse de ces violences.
Quelles sont, à ce stade de vos recherches, vos préconisations en matière de politiques publiques ?
Amandine Couraud : Alors même que ce sont des personnes particulièrement exposées aux violences, ces faits sont sous-étudiés dans le milieu universitaire mais aussi peu ciblés par les politiques publiques de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Je pense qu’il est primordial de continuer à mesurer et comprendre l’ampleur et la singularité des violences que les femmes handicapées subissent au quotidien dans les espaces publics, au travail, dans le couple, etc. Mais il ne faut pas perdre de vue que ces résultats doivent servir à alerter les pouvoirs publics pour que les centres d’accueils des victimes soient accessibles aux femmes handicapées, que les professionnel·le·s de santé en contact étroit avec les femmes handicapées soient des personnes ressources pour écouter et alerter sur les situations de violence, que le handicap soit pris en compte dans les campagnes de prévention contre ces violences, etc.
Quels sont vos projets et qu’envisagez-vous après votre doctorat ?
Amandine Couraud : Une fois la thèse soutenue, je partirai pour un grand voyage à vélo ! Et pour ce qui est de mes horizons professionnels, ils sont encore incertains. En parallèle de mon doctorat, je donne des cours à l’université et j’aime beaucoup cette expérience d’enseignement. Idéalement, j’aimerais donc devenir enseignante-chercheuse car ce sont deux activités qui me plaisent et m’apportent beaucoup. Néanmoins, les postes à l’université en sciences humaines et sociales se font rares et s’obtiennent après de longues années de compétition, d’instabilité professionnelle et de concours qui ne m’enchantent que peu. Je reste donc lucide quant aux débouchées possibles dans ce secteur.
À propos de la thèse de Amandine Couraud : Intitulé de la thèse (2023-2026) : « Les femmes en situations de handicap face aux violences de genre. Études des trajectoires de handicap et de violences subies ». Laboratoire de rattachement : CRIDUP - Centre de recherche de l'Institut de démographie de Paris 1 Panthéon-Sorbonne (UR 134). École doctorale de rattachement : École doctorale de géographie de Paris (ED 434). Financement : Bourse de l’École doctorale de géographie de Paris. Directrices de thèse : Marianne Blidon, maîtresse de conférences en démographie et géographie à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Claire Scodellaro, maîtresse de conférences en sociologie et démographie à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directrice de l’École des hautes études en démographie (École HED).
Mémoire de master : « Violences dans les espaces publics. Une approche croisée par le genre et le handicap ». Directrices de mémoire : Claire Scodellaro, Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Stéphanie Condon, Ined. Date de soutenance : 23 mai 2023 à Paris 1 Panthéon Sorbonne. Prix de master de l’Institut du Genre 2023.
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L’École des Hautes Études en Démographie (École HED) est une École Universitaire de Recherche (EUR) portée par l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et l’Ined, et soutenue par six universités partenaires, huit écoles doctorales et dix unités de recherche. Elle est lauréate du Programme Investissements d’Avenir relatif aux EUR sous le label EUR REDPOP.
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L’Institut du Genre est un Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS) qui réunit une trentaine de partenaires institutionnels, dont l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, engagés dans la recherche sur le genre et les sexualités. Dédié à la coordination, à l’accueil scientifique et à la promotion de ces travaux en France et à l’international, l’Institut du Genre est hébergé par la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord au Campus Condorcet, à Aubervilliers.
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