Chancellerie des universités de Paris - Sylvain Lhermie
Distinction

Sept lauréats et lauréates de Paris 1 Panthéon-Sorbonne ont reçu le prix solennel de thèse de la Chancellerie des Universités de Paris

54 lauréats et lauréates ont été récompensés lors de la cérémonie des prix solennels de thèse de la Chancellerie des Universités de Paris le 2 décembre dernier.  

Les thèses primées ont été soutenues par des jeunes docteurs et docteures d’Île de France dans des disciplines variées telles que le droit et les sciences politiques, les sciences économiques et de gestion, la médecine, les sciences, la pharmacie, les lettres et les sciences humaines. Pour la première fois depuis leur création, les prix de la Chancellerie des Universités de Paris avaient un thème commun : « Faire recherche, faire société ». En présence de Christine Neau-Leduc, présidente de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, les sept lauréats et lauréates ont reçu leurs prix, une distinction qui encourage la poursuite de projets scientifiques et renforce la visibilité des jeunes chercheurs sur la scène nationale et internationale.

Toutes nos félicitations aux lauréats et lauréates de Paris 1 Panthéon-Sorbonne !  

Maririta Guerbo, prix en lettres et sciences humaines « toutes spécialités »

Maririta Guerbo

Intitulé de la thèse : Ernesto De Martino, une philosophie des rituels, dirigée par Philippe Büttgen à l’École doctorale Philosophie.  

La thèse présente la première discussion philosophique, dans le monde francophone, de l’œuvre du fondateur de l’ethnologie religieuse Ernesto De Martino (1908-1965). En nous appuyant sur une reconstruction génétique minutieuse, nous étudions les concepts de De Martino (présence, monde, métahistoire, aliénation radicale, idéologies de compromis, déshistoricisation et réintégration mythico-rituelles, symbolisme individuel, apocalypse culturelle) comme des outils théoriques forgés pour comprendre l’animal humain à partir d’une pratique particulièrement difficile à saisir pour le philosophe : le rituel. Notre présupposé de méthode est le suivant : les matériaux ethnographiques ont représenté pour De Martino des véritables vecteurs de la pratique philosophique. Dès lors, si une anthropologie philosophique originale se dessine au croisement d’influences théoriques à première vue incompatibles (Croce, Gramsci, Heidegger, Sartre et Merleau-Ponty), il s’agira pour nous de la retracer sans la détacher du concret dont elle rend compte. Dans un double mouvement de compréhension visant la genèse (anabase) et l’agonie des rites (catabase), le rituel se dévoilera comme une pratique de synthèse du réel permettant la continuation de l’histoire humaine face au risque de disparaître.

Matilde Catarina Guilhon, prix en sciences de gestion

Matilde Catarina Guilhon

Intitulé de la thèse : Émergence de nouvelles catégories et stratégies de réponse des organisations en place à l’ère des plateformes digitales. Le cas de la banque de détail en Europe (2013-2023), dirigée par Régis Cœurderoy à l’École doctorale de Management Panthéon-Sorbonne

Les plateformes digitales intermédient les interactions et les transactions entre les producteurs et les audiences, et influencent ainsi la perception et l’évaluation des offres. Leur essor questionne également les organisations en place et les catégories auxquelles elles appartiennent. Or, la compréhension des implications des plateformes digitales pour la catégorisation des audiences et les catégories existantes demeure limitée. En outre, peu de recherches se sont intéressées aux stratégies de résistance ou d’adaptation des organisations en place à ces évolutions. Sur le plan empirique, cette thèse étudie la réponse stratégique des principales banques de détail européennes à l’émergence du platform banking entre 2013 et 2023. Cette thèse examine les réponses des organisations en place à l’émergence de catégories de marché favorisées par l’essor des plateformes digitales, et leurs stratégies de positionnement catégoriel dans ce contexte.

Justine Janvier, prix Dumont en philosophie

Justine Janvier

Intitulé de la thèse : La vie des œuvres, une étude de la génération des formes artistiques dans la pensée de Luigi Pareyson dirigée par David Lapoujade à l’École doctorale Philosophie.  

Cette thèse est la première consacrée en France à la philosophie de Luigi Pareyson. Elle investigue le sens de sa théorie de la formativité à partir du problème de la vie des œuvres. De fait, Pareyson convoque de part en part le concept de vie pour qualifier la forme artistique : celle-ci est un organisme vivant, elle vit de sa propre vie et aspire à vivre encore dans les interprétations qu’elle fait naître et les reprises qu’elle suscite. Mais que signifie donc que les œuvres sont vivantes ? Nous clarifions ici la valeur et la polysémie de cette référence à la vie afin d’élaborer le concept d’une vitalité artistique distincte de la vie biologique. Dans le sillage de l’esthétique morphologique goethéenne, Pareyson utilise le critère de l’organicité pour définir la perfection des œuvres d’art ; mais il ne faut pas y voir le signe d’une naturalité des formes, dont la vie est toujours authentiquement artistique. L’art, chez Pareyson, ne vient que de l’art lui-même.

Emma Miglietta, prix André Isoré en droit privé

Emma Miglietta

Intitulé de la thèse : Le pouvoir de direction de la société mère sur ses filiales. Contribution à l'analyse du phénomène de consolidation juridique du groupe de sociétés, dirigée par François-Xavier Lucas à l’École doctorale de droit de la Sorbonne

La thèse entend remettre en cause la présentation traditionnelle du groupe de sociétés comme un ensemble de sociétés juridiquement autonomes, au regard de la multiplication des exceptions au principe de l’autonomie de la personnalité morale. Elle le fait à travers la mise au jour d’un « phénomène de consolidation juridique », perceptible dans de nombreuses branches du droit, dont elle cherche à établir une justification. L’étude met ainsi en lumière la reconnaissance, par le législateur et le juge, d’un pouvoir original innommé aux mains de la société mère, qui dépasse le pouvoir de contrôle reconnu à tout actionnaire majoritaire. Ce « pouvoir de direction » permet à la société mère d'intervenir dans la gestion de ses filiales afin de reconstituer une unité décisionnelle et patrimoniale au sein du groupe dans le cadre d’une consolidation « voulue ». Mais il l'oblige, dans le même temps, à en répondre dans de plus justes mesures à l’égard des créanciers de sa filiale, dans le cadre d’une consolidation « subie ». Voilà qui justifie les nouvelles obligations mises à la charge des sociétés mères en droit positif et autorise à penser plus largement leur responsabilité.

Juliette Milleron-Besenval, prix Benabou en histoire moderne de France ou de la région parisienne

Juliette Milleron-Besenval

Intitulé de la thèse : L’imprimerie nationale au travail (1793-1830), dirigée par Anne Conchon à l’École doctorale d’Histoire

Héritière de l’imprimerie royale, l’imprimerie nationale naît dans une France révolutionnaire en guerre. L’enjeu de cette étude est de réinscrire l’imprimerie nationale dans les processus politiques de son temps et d’envisager cet établissement comme espace professionnel, observatoire des transformations de l’organisation du travail. Rouage indispensable de la diffusion de l’information officielle et d’une propagande à la gloire de la Nation et de ses gouvernements, l’imprimerie nationale est aussi un atelier où travaillent quotidiennement des centaines d’ouvriers. L’État employeur met en œuvre une organisation du travail guidée par des impératifs de célérité et de sûreté de la diffusion de l’information. Cette étude montre l’extinction progressive de l’esprit de caste corporatiste qui caractérisait les travailleurs de l’imprimerie sous l’Ancien Régime et la mutation de cette identité professionnelle vers une identité socio-politique, ouvrière et citoyenne.  

Elie Tassel-Maurizi, prix en droit « toutes spécialités »

Elie Tassel-Maurizi

Intitulé de la thèse : Le pardon à l'épreuve de l'impossible - Recherches sur l'émergence d'une notion juridique de pardon dans les États en transition, dirigée par Xavier Philippe et Laurence Burgorgue-Larsen à l’École doctorale de droit de la Sorbonne. 

En trente ans, le pardon est devenu une problématique juridique à part entière après avoir été longtemps cantonné à la théologie, à la philosophie, et dans une moindre mesure à la science politique. Ceci s’explique par la multiplication des expériences de justice transitionnelle dont les manifestations les plus connues sont les Commissions « vérité-réconciliation » et certaines formes locales de justice. Ces mécanismes alternatifs, qui complètent les tribunaux ou s’y substituent selon les cas, s’inscrivent dans des contextes particuliers. Les États en transition font face à des contraintes telles (juridiques, politiques, économiques, sociales, sécuritaires etc.) qu’ils ne peuvent pas rendre justice normalement. Poursuivre et punir tous les responsables d’un conflit ou d’une dictature par exemple n’est ni possible ni souhaitable. Ce n’est d’abord pas possible parce que ces États ne sont souvent pas en mesure de faire face à un volume aussi important d’affaires faute de moyens suffisants—peu de systèmes judiciaires le pourraient de toute manière, même en « temps normal ». Ce n’est ensuite pas souhaitable parce qu’une réponse pénale trop forte risquerait de fragiliser un processus de paix ou de menacer la pérennité d’une transition démocratique. Il faut donc faire des concessions et chercher des alternatives propres, justement, à ce contexte particulier. Les États ont longtemps recouru aux « institutions de clémence » : la grâce, la prescription et l’amnistie. Mais ce type de mesures, parce qu’elles institutionnalisent l’oubli pour la plupart, sont très encadrées par le droit international qui les interdit largement. Les États en transition doivent donc réfléchir à d’autres types de mécanismes pour trouver un point d’équilibre aussi satisfaisant que possible entre, d’une part la viabilité et la pérennité d’un processus de paix ou d’une transition démocratique, et d’autre part l’exigence de justice. Comment concilier concrètement ces deux intérêts contraires ? Dans quelle mesure recourir à la justice pénale ordinaire ? Le droit peut-il envisager autre chose que la sanction ? Peut-on admettre des alternatives à la rétribution ? Est-il possible de réduire les sanctions pour réconcilier et reconstruire, et si oui à quelles conditions ? La reconnaissance d’une notion juridique de pardon est au cœur de ces réflexions. L’idée est de démontrer, à la fois que le pardon en tant que notion juridique vient redéfinir le rôle de l’État face à la transgression de la norme pénale, et qu’il peut s’articuler avec les autres règles de droit.  

Céline Tomczyk, prix en lettres et sciences humaines « toutes spécialités »

Céline Tomczyk

Intitulé de la thèse : De l’exploitation des minerais non ferreux aux productions métalliques de la fin du Néolithique au 1er âge du Fer en Europe : formation et caractérisation des réseaux d’échange, dirigée par Christophe Petit et Patrice Brun à l’École doctorale d’Archéologie

Dès la préhistoire, les interactions humaines ont influencé les cultures, les croyances et la diffusion des technologies, mais leur ampleur reste difficile à estimer. Cette thèse analyse la circulation des métaux en Europe entre la fin du Néolithique et l’âge du Bronze ainsi que son impact socio-économique à travers une approche pluridisciplinaire combinant archéologie, géochimie, isotopie et statistiques. Elle montre que l'extraction minière se concentre progressivement vers 1600 av. J.-C. autour de grandes régions productrices, dont il est possible de tracer l’exportation des métaux par la comparaison statistique de milliers de signatures isotopiques du plomb de minerais et d’artefacts. Cette cartographie inédite des principaux axes commerciaux révèle une forte stabilité des réseaux de circulation du cuivre et du plomb, avec néanmoins des modifications claires en période de crise. La spécialisation régionale des productions semble dépendre de facteurs environnementaux mais plus encore économiques et expliquerait l’intégration de ressources comme l’étain dans les circuits déjà établis.